Le quatrième album de Laetitia Shériff s’intitule Stillness, et il prend la forme d’un miroir.
Il a fallu du temps pour polir ce disque-là : poser son fardeau, se reposer, reprendre son souffle, avant d’assembler les chansons comme on construit un feu.
Avec des bribes de phrases, collectées et archivées, des mots trouvés ou inspirés par des lectures, choisis et longuement soupesés, puis mis au chaud, Laetitia a fait des provisions. Reste à composer le puzzle. Celui-ci prend la forme d’un visage, le sien. Le contraire du miroir aux alouettes que nous tendent les réseaux sociaux, où l’on se voit toujours tel que l’on n’est pas. Ici le portrait est celui de Laetitia Shériff, dans sa vérité, mais peut aussi servir à qui veut : le miroir contient en puissance tous les visages humains.
Et qu’entend-on ? Des guitares en open, décharnées, voire à l’os, qui évoquent parfois les moments épileptiques d’un Neil Young, une batterie sobre et précise, d’une classe presque janséniste, pour des titres rêches, pleins d’échardes et de rage. Et puis, soudain, la clairière s’éclaircit et tout est plein de lumière : des arrangements en formes d’arabesques nous plongent dans la rêverie, voire dans la féerie, et évoquent les tapisseries fines de Broadcast. Car le monde de Laetitia Shériff est peuplé de multiples références, comme Oh Sees, Sunn O))), Jason Loewenstein de Sebadoh, David Bowie, autant de totems personnels, qu’elle partage sûrement avec Kurt Vile ou Courtney Barnett... Sur ces 10 titres pop plane aussi l’ombre de grands oiseaux motoriques comme Can ou Beak, ou tombent des pluies cinglantes à la Shellac ou Tropical Fuck Storm. On pense souvent à Shannon Wright pour cet équilibre yogique entre électricité et méditation, décidément au centre de tout.
Infos pratiques
20:30
14,00 euros